EUTHANASIE

Dans le cas où vous approuveriez ce texte, il me semble que votre devoir d’homme (sensé aimer l’humanité…) devrait vous conduire à agir dans notre société. Et, compte tenu de l’importance de la question pour le bonheur des hommes, à vous engager avec le maximum d’intelligence et d’énergie dont vous êtes capable.

Voici, on y est arrivé ! Après une préparation de plusieurs décennies (et même en réalité de trois siècles), jalonnée par la prise de position du sénateur Caillavet, aujourd’hui, avec les meilleures intentions affichées, le Parlement français se trouve prêt à tenter d’introduire dans la loi française le droit à l’euthanasie !

Ouf ! Mais la réussite du projet n’est pas encore assurée… Et, pour ma très modeste part, je me fais un devoir d’apporter mon grain de sel dans le débat…

La question de l’euthanasie a beaucoup été débattue en France et en Europe – souvent avec de très bons arguments réalistes… (auxquels les partisans de l’euthanasie – convaincus de représenter le bien de l’humanité – se sont montrés totalement fermés).

 Cependant, les raisons philosophiques pour la juger n’ont jamais été présentées de manière claire et convaincante. Il y a donc lieu d’essayer de reprendre cette question au niveau où elle devrait être jugée.

Le grand argument des partisans de l’euthanasie, est celui du respect de la liberté de tous les hommes de choisir la manière dont ils vont mourir.

De ce point de vue, considéré d’une manière sommaire, ils ont entièrement raison, car la liberté individuelle constitue effectivement un droit sacré. Cependant, quelques questions se posent :

  • est-ce que cette liberté représente l’idéal suprême, auquel les hommes ont à se conformer ?
  • cette liberté n’est-elle pas soumise à d’autres critères, d’un niveau plus élevé, qui mériteraient d’être pris en considération pour le bonheur des hommes ?
  • en particulier, au-dessus du légitime critère de la liberté individuelle, qui doit être impérativement respecté – ne doit-on pas prendre en considération le critère de la vérité ?

Lorsqu’on introduit le critère de la Vérité, une nouvelle question se pose : est-ce que les deux décisions possibles [celle de vivre ou de mourir] sont d’égale valeur ? Et comment y a-t-il lieu de les juger ?

Or, pour plusieurs raisons, les partisans de l’euthanasie ne se posent pas  cette question :

  • D’abord, mieux que tous ceux qui ne pensent pas comme eux (qui, à leurs yeux, ne sont que des ignorants ! situés bien au-dessous de leur niveau de compréhension de la vie), ils sont certains de posséder la vérité, sans avoir à s’interroger sur la validité de leur position, 
  • surtout,  pour se soumettre à l’examen du critère de la Vérité, il est évidemment nécessaire de croire en l’existence d’une vérité universelle qui s’impose aux hommes ; or, en fait, sans le dire ( ce serait bien maladroit…), la grande majorité des partisans de l’euthanasie nient  l’existence d’une telle vérité
  • la plupart d’entre eux (ceux qui sont les plus conscients des fondements de leur position, se trouvent confortés dans leur jugement  par leur adhésion à la franc-maçonnerie, qui, justement, proclame – comme une vérité ! – que la vérité n’existe pas.

Dans ces conditions, ceux qui tiennent à juger de manière intelligente la question de l’euthanasie, doivent commencer par s’interroger sur l’intérêt de l’existence ou l’inexistence d’une vérité qui s’impose à l’homme – ou ne s’impose pas…

Que ceux qui ne croient pas en l’existence de la vérité, prennent leurs responsabilités ; et qu’ils continuent de raisonner en fonction de leur autonomie intellectuelle revendiquée… Cependant, ce faisant, s’ils en sont en sont humainement capables, qu’ils essayent aussi de se poser quelques  questions :

  • Cherchent-ils vraiment à œuvrer pour l’avantage des mourants ? Ou bien, inconsciemment ne cherchent-t-ils pas surtout (comme il est si naturel ) à conforter l’appréciation naturellement positive qu’ils ont d’eux-mêmes ?
  • Ont-ils suffisamment cherché à essayer de découvrir les moivations plus ou moins inconsciente présentes en eux?
  • sont-ils certains d’avoir envisagé tous les aspects de la question d’une manière parfaitement réaliste ? (dont ceux qui les suivront tireront les bénéfices – ou les graves conséquences…) ;
  • sont-ils certains que, sur ce très grave problème, leur position défendue si énergiquement, soit nécessairement meilleure que celle de l’adversaire ?

Pour se poser ces questions, cela suppose d’avoir une conscience personnelle…

si la vérité n’existe pas – et si on continue à le croire… – écouter sa conscience a-t-il un sens ? Si on persiste dans de telles positions, il est impossible de répondre à ces questions. Dès lors, il est logique de suivre les positions qui nous plaisent, et, puisque ça nous plait, de dire aux mourants, « faites ce qui vous plaît » . (Oui, « faites ce qui vous plait », cependant, ceux qui payeront la note, ne seront pas les conseilleurs, mais les exécutants !  Quelle responsabilité !

Tout en acceptant le principe de la liberté de chaque homme, une autre manière de considérer la question consiste à accepter l’existence de critères supplémentaires, d’un niveau supérieur à celui de la liberté individuelle, ceux de la Vérité, de la Dignité de chaque homme, de la lucidité. Et du réalisme ! Qui conduisent à une position opposée…

La Vérité : Certes, chacun est libre de choisir comment il va mourir, mais, qu’on croit, ou non, en l’existence de la vérité, la simple intelligence conduit à se demander : 1. Les deux solutions possibles ont-elles la même valeur ? 2. Et, si on ne croit pas en l’existence de la vérité, pour le mourant, sont-elles aussi bonnes (ou mauvaises) l’une que l’autre ?

La Dignité : si on ne peut juger du point de vue de la vérité (qui n’existerait pas…), en prenant l’une ou l’autre décision, le mourant est-il preuve d’une égale dignité ? Est-il aussi admirable dans l’un ou l’autre cas ? Ou bien y a-t-il une différence dans un dans un sens ou dans l’autre ?

Celui qui choisit la mort a peut-être raison… mais ce qui est certain, c’est qu’il ne fait pas preuve de courage, et qu’il ne constitue pas un exemple pour les êtres qui lui sont chers, et mourront après lui…

Celui qui choisit de vivre (peut-être en dépit d’une immense douleur physique et morale…) fait preuve d’un héroïsme admirable. Propre à servir d’exemple pour ceux qu’il aime et qui lui survivront. Celui-là est un héros, un héros caché, comme le seront ou l’ont été, dans une totale discrétion, ceux qui, après lui, ou avant lui, auront fait le même choix que lui. (Je crois que, sans se formuler un tel raisonnement , les proches d’un mourant qui adopte cette attitude éprouvent confusément un sentiment d’admiration, qui milite en faveur de cette  interprétation…)

En fait, dans le choix qu’il fait, chaque mourant porte une appréciation vécue sur la valeur de la vie :  Implicitement, l’un dit : « au total,la vie vaut la peine d’être vécue, mais elle ne devrait pas comporter les souffrances que l’on connaît ; aussi, au prix de ma propre destruction, je préfère supprimer ma souffrance et cesser de vivre. » ; l’autre, au contraire dit : « ma souffrance est insupportable, mais la vie est un tellement précieuse que je préfère la conserver le plus longtemps possible… »

Problème : qui a raison ? qui a tort ? quand on est en bonne santé, il appartient à chacun de répondre avec son intelligence et son cœur ; puis, lorsque le moment fatidique arrivera, ce sera le moment d’apporter une réponse vécue.

Cette problématique, imposée à tous les hommes pose une immense question collective : Qu’est-ce que la souffrance ? Comment se justifie-t-elle ? Et, face à ces conditions, la vie a-t-elle un sens ? A-t-elle une vraie justification ?

Pour essayer d’y répondre, il faut prendre conscience de ce qu’est la vie humaine… Or, dans la mesure où on est capable d’admirer la beauté, on comprend que la vie est d’une incroyable beauté… et que l’existence de la souffrance indésirée est d’un ordre de grandeur inférieure à cette beauté. Ce qui signifie que l’existence de la souffrance ne condamne pas la vie à l’absurdité…

 Ce qui n’empêche pas que la question demeure : « pourquoi la souffrance ? », A laquelle on peut répondre  (de manière logique, mais sans grand conviction intérieure…) : parce que, si la souffrance n’existait pas, l’héroïsme humain n’existerait pas, et l’homme serait privé de la possibilité d’une incroyable grandeur ; l’homme ne serait pas un homme, il serait un animal comme les autres. Ce qui est déjà très bien, mais quand même très inférieur à sa condition.  (Et vous, au fait, cher lecteur, que préférez-vous être ? un homme sans souffrance, mais sans grandeur ? ou un homme qui souffre, mais attire l’attention émerveillée des gens qui sont capables d’admirer? )

Pourquoi Dieu a-t-il permis la souffrance ? Il me semble qu’on vient d’y répondre au nom de la logique…. Mais pourquoi Dieu a-t-il pris le parti de s’y conformer ? parce que, tout Dieu qu’il est, être parfait, mais non pas plus puissant que la logique et l’amour réunis, il a sans doute jugé qu’il ne pouvait faire autrement, et que l’existence avec la souffrance était infiniment préférable à l’absence d’existence.

Cela dit, Dieu souffre certainement de voir la souffrance. Et encore plus de constater que, comme on le voit aujourd’hui plus que jamais, beaucoup de ses enfants torturent et tuent leur semblables ( et en plus pour des raisons d’une absurdité et d’une bassesse incroyable).

Mais Dieu n’a pas accepté de souffrir en silence dans son ciel. Il a tenu à pendre notre condition humaine et à assumer la souffrance des hommes dans des conditions incroyablement horribles.

Incroyable ! il a même fait encore mieux : en permettant aux hommes de connaître la souffrance, il leur a permis de devenir semblable à Lui  qui a accepté dans son fils de mourir sur la croix dans des conditions horribles.

Certes, on peut raisonner ainsi, mais tout cela nous dépasse… Mais les chrétiens se consolent en raison d’une révélation supplémentaire : Pour ceux qui Lui auront fait confiance, après la souffrance, viendra la joie de la vie éternelle auprès de Lui… (mais qu’en sera-t-il pour les autres ? C’est une autre question à propos de laquelle il convient de réfléchir- pour soi-même et pour les autres …)

Sur la base de cette analyse, voici la solution concrète préconisée :

  • l’Etat, qui n’est pas philosophe, mais qui doit quand même mener une action  conforme au bien commun, doit opter pour l’éthique la plus élevée et la plus favorable aux citoyens, celle qui consiste à placer les critères de liberté individuelle, de Vérité et de dignité au premier plan de ses préoccupations ; il a toute raison de prendre ce parti que ces critères sont ceux qui assurent le mieux la liberté effective des mourants), 
  • Chaque mourant, seul responsable de son corps, a le droit de choisir la manière dont il va mourir. (Dieu a créé l’homme libre de tuer son prochain et de se supprimer lui-même; alors n’allons pas contre sa Volonté!);
  • Sauf par des conversations fraternelles, d’égal à égal, avec ses proches et les soignants qui, seuls, le connaissent, le respectent et l’aiment, il ne peut en aucun cas être influencé par une règlementation ou des lois étables par des pouvoirs élus, qui ne le connaissent pas personnellement, n’ont aucune capacité philosophique et morale pour savoir ce qui est bon pour lui, et aucun pouvoir moral pour dicter ses consignes ;
  • le seul pouvoir, le seul devoir – mais il est extrêmement important – du pouvoir politique consiste à assurer les conditions de la totale indépendance dans le choix de chacun, (En commençant, bien sûr, par s’abstenir d’établir des règles contraires à ce principe !)
  • responsable de l’établissement de règles favorables à la vie des citoyens – particulièrement lorsqu’ils se trouvent dans des circonstances personnelles dramatiques – le pouvoir politique a le devoir impératif de favoriser le dialogue entre le mourant, le personnel soignant et les bénévoles des organisations de soins palliatifs , qui sont seuls habilités à savoir ce qu’en conscience et  dans leur affection à l’égard des malades, ils ont à dire aux mourants ; (le pouvoir politique ne-pourrait les sanctionner que dans le cas  – prouvé – où ils auraient gravement failli à l’éthique de la mort ainsi conçue...) ; 
  • comme le problème de la fin de vie concerne l’ensemble de la société, par des aides organisationnelles et financières, le pouvoir politique a le devoir de favoriser les organisations de diverses sortes qui agissent et réfléchissent à la meilleure manière d’accompagner la mort,
  • L‘état ne peut obliger quiconque – médecin, infirmier,directeur d(Ehpad , ou autre – à se faire complice d’une intention de se donner la mort (ne serait-ce qu’en signalant le nom d’un professionnel susceptible de la donner… Si quelqu’un le fait, c’est son affaire qui engage sa conscience…);
  • en partie responsable de la civilisation mondiale confrontée à cette question essentielle, dans la limite de ses moyens, il aide les organisations internationales qui réfléchissent à cette question dans le contexte d’une philosophie non contraire à sa propre éthique, 
  • dans cette perspective, l’état agit avec d’autant de conviction, qu’il doit avoir conscience que la promotion d’une morale largement partagée dans le pays constitue pour les citoyens une occasion de fierté, et d’unité nationale (« nous appartenons à un pays civilisé »); et qu’il a une responsabilité civilisationnelle mondiale en ce domaine.

A d’incessantes reprises (preuve qu’il s’agit de sa part d’une forme de propagande, déversée pour faire passer dans les esprits ses propres vues – dont au fond, il n’est pas si certain…), l’Etat français proclame haut et fort son attachement à la laïcité. Très bien ! sauf que la laïcité qu’il prône, c’est celle qui s’oppose aux croyances qui ne sont pas les siennes (notamment la foi religieuse des chrétiens et des musulmans) ; mais il exclue de la notion la doctrine contestable celle  qu’il pratique lui-même, celle d’une liberté individuelle sacrée soumise à aucune condition. Sans le dire, il fait tout pour imposer au peuple français sa conception de l’homme qui est celle d’un groupe organisé  représentant 2% de la population française, recrutée selon ses critères et ses règles propres fort critquables…  (mais cela devra constituer une autre question à aborder dans un autre texte… )

Ceci étant dit, gardons-nous de montrer du doigt la franc-maçonnerie (et, par là, de semer la division dans la société française), car,

 si elle se trompe, elle le fait certainement avec le sentiment de bien faire,

et, surtout, si un groupe mérite d’être montré du doigt, c’est celui, informel, des élites intellectuelles et des députés, qui ne pensent à rien et se montrent incapables de dénoncer très clairement la tromperie… (mais cela est une autre question à traiter dans un autre texte.)